(i) 11 janvier 2015. - l'apocalypse. Là où tout a commencé. Le début de l'horreur. Le commencent de la fin. Ayant dormi exceptionnellement chez ses parents dans un petit quartier résidentiel de Spokane dans l'état de Washington, c'est après son petit déjeuner de ce dimanche matin ; des gaufres encore chaudes ; qu'elle a entendu un bruit à l'étage. Un bruit sourd comme si quelque chose de lourd tombait violemment au sol accompagné d'un cri effrayant, celui de sa mère. Quand elle a accouru à l'étage montant les marches deux par deux, elle eut la vision de son père agenouillé devant sa dépouille, dévorant l'intestin encore frais de celle qui l'a mise au monde. Prenant alors la fuite en panique jusqu'au bureau de son père, elle a attrapé le revolver qui se trouvait dans un des tiroirs du meuble. Ses doigts tremblaient, son coeur était sur le point de céder. Elle insérait difficilement les balles dans le chargeur. En plein crise d'angoisse, son corps entier frissonnait et ses jambes frêles manquaient de se dérober sous son poids. C’est alors que son visage lui est apparu sur le seuil de la porte. Cette démarche désarticulée, le sang encore frais de sa mère sur sa bouche et dégoulinant le long de sa gorge. Son père dont elle ne reconnaissait plus les yeux. Ceux-ci étaient blancs et livides alors qu'ils furent d'un bleu azur et bouillonnaient de tendresse.
« Papa… » L’appelait-elle alors, comme pour réveiller l’homme qui dormait au fond de lui. Mais il n’y avait plus personne qui répondait à ce nom à l’intérieur de ce marcheur mort. Un grognement s’en suivit et il s’élançait sur la jeune femme. Megan a abattu son père, après trois ou quatre reprises, d'une balle en pleine tête. Elle est restée un petit moment à l’observer, son cerveau s’étant momentanément mis sur pause. Ce revolver qui était toujours dans sa main, elle ne l'a jamais quitté. Celui-ci lui rappelle encore et toujours ce passage de sa vie. Le premier rôdeur qu'elle a tué. Son père qu’elle a achevé. Puis une photo déposée dans un coin du bureau de son père attira son regard. Celle du souvenir d’un camping en plein cœur de la forêt, tous ensembles. Prise près d’un feu de camp, Megan enlaçait son petit-frère tous deux dans un sourire heureux.
« Tobias ! » Hurlait-elle en sortant son téléphone portable de la poche de son jean. Son petit-frère passait le week-end dans la ville voisine chez sa copine. La situation était-elle la même là-bas ? De nombreuses questions et d'idées horribles se faufilèrent dans son esprit. Encore apeurée et le souffle court, elle peinait à faire défiler les contacts sur son écran jusqu’au numéro de son frère.
Réseau indisponible. Elle avait beau essayer encore et encore, l’appel était toujours un échec. Megan a alors attrapé les clés de la voiture familiale dans le vase posé sur le meuble de l’entrée et elle est sortie dans la rue. Là, elle a fait face à un vent de panique qui venait des quatre coins du quartier. Des gens qui criaient, hurlaient. Ils étaient poursuivis par ces choses, étant parfois des membres de leur famille. Ils criaient tous à l’aide. Elle a vu sa voisine d’en face se faire attraper et déchiqueter le mollet par sa petite fille de douze ans. Montant dans la voiture, elle s’est engouffrée dans la rue, percutant un de ces morts-vivants qui laissa une tâche de sang sur son pare-brise. Elle a pris l’autoroute pour se rendre dans la ville voisine mais elle s’est retrouvée freinée par l’immense bouchon dû à une collision quelques kilomètres plus haut. Résignée à laisser tomber sa voiture, elle a terminé à pieds, priant au plus profond de son cœur que son frère soit en sécurité.
« Il n'y a plus aucun espoir. La ville est morte. Ils sont partout ! » Ces mots retentissaient encore dans son esprit, tel un lointain écho. Un couple de quarantenaire l’avait intercepté alors que Megan cherchait à se frayer un chemin jusqu’à l’entrée de la ville même si tous tentaient de lui en échapper. Elle ne pouvait pas y croire, elle ne voulait pas. Le rôle d’une grande-sœur a toujours été de protéger le petit, son petit-frère. Megan a toujours été très protectrice envers lui, voire même un peu trop à son plus grand malheur. Aujourd’hui, elle n’avait pas su le protéger. Elle n’avait pas su le préserver de toutes ces horreurs. A ce moment-là, la culpabilité l’a prise aux tripes, venant à la figer sur place. Ce même couple a entraîné Megan dans leur voiture de justesse avant qu’elle ne se fasse attaquer par l’un de ces morts-vivants. Ils se sont enfuis, prenant la route vers on-ne-sait quelle destination. En avaient-ils réellement une ? Elle dépliait alors la photo qu’elle avait récupéré sur le bureau de son père, quelques heures auparavant. Celle avec son petit-frère près du feu. Non, il n’était pas mort. Au plus profond de son cœur, elle savait qu’il avait survécu. Son petit-frère était fort. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’ils soient réunis de nouveau. Et elle se jura de le retrouver, de le protéger. Et cela à n’importe quel prix.
(ii) début novembre 2015. - mt rainier national park.« Viens avec nous, Megan. » Sa voix rauque raisonnait au creux de son oreille comme un supplice. Elle aurait aimé partir avec lui et sa famille, peut-être même aurait-elle pu lui suivre jusqu’au bout du monde si les circonstances auraient été différentes. Jusqu’à maintenant, aucun d’entre eux n’avaient osé aborder le sujet de cette séparation. Il n’avait jamais été prévu que Megan les suive car les premiers temps n’étaient en rien faciles entre eux. Swan l’a même rejetée brutalement au début de leur rencontre quand ils l’ont trouvé affamée au
Mt Rainier National Park. Mais à son air doux, fragile et complètement désorientée, son instinct de protecteur a vite repris le dessus. Ils l’ont accueillie le temps d’un seul mois, novembre. Mais chacun des deux avaient une destination différente. Swan, son frère et sa sœur partait vers d’autres horizons tandis que Megan avait besoin de retourner sur ses pas pour chercher encore des traces de son frère. Elle ne pouvait pas trop s’éloigner des alentours de Spokane son frère n’aurait jamais été aussi loin. Peut-être même qu’il la cherchait aussi. Elle regardait cet homme qui l’avait aidé. Ce blond aux allures d’ours tendre qu’elle se plaisait à surnommer
teddy bear. Cet homme qui l’avait réconfortée ces nuits où elle tremblait de peur au moindre craquement. Elle appréciait la douceur de ses gestes rassurants et ses mots réconfortants au coin du feu. En d’autres temps, en d’autres lieux, en d’autres circonstances, peut-être se seraient-ils abandonnés à ce désir qui les consumait à l’intérieur.
« Je suis désolée, Swan. » Murmurait-elle en baissant la tête. Son cœur se déchirait à ses
au revoir qui, dans ces temps de chaos, ressemblaient plus des
adieu. Mais elle ne pouvait abandonner son frère, Swan le savait. Peut-être est-ce la tristesse du risque de ne plus jamais se revoir ou la fierté face à un refus que Swan s’est mis hors de lui. Mais ces mots restèrent gravés.
Gamine écervelée fût les premiers que Megan ressentit comme un poignard dans sa poitrine. Et c’est à ce moment, tous les deux déchirés de ne plus jamais contempler le visage ni même d’entendre la voix de l’autre, qu’ils se sont laissés aller à la violence de mots durs. Leurs cris auraient pu alerter les rôdeurs aux alentours, il était même probablement déjà trop tard. Mais la violence de leurs mots et du ton qu’ils employaient était proportionnelle à leur douleur.
Va crever toute seule comme une conne ! Face à cette dernière phrase, Megan est restée muette. Les yeux bordés de larmes, l’une se glissa sur sa joue. Elle ne pouvait se détacher du regard de Swan, cherchant en vain s’il pensait vraiment ces paroles. Sur ce, la jeune femme attrapa son sac à dos posé à terre pour passer les lanières par-dessus ses épaules. Elle n’ajouta rien. Pas un autre mot. Pas même un geste à son égard. Sortant de la route pour courir vers la forêt, la silhouette de Megan s’est rapidement dissipée entre les ombres des arbres. Elle jonglait entre les branches et les troncs jusqu’à se trouver un endroit suffisamment éloigné de lui pour se laisser aller à son chagrin. Ce fût la dernière fois qu’elle entendit parler de lui.
(iii) 18 décembre 2015. - ontario, oregon.En suivant la piste d’un survivant rencontré près de Ellensburg qui semblait avoir vu son frère du côté d’Ontario, dans l’Etat de l’Oregon, Megan a atterri, seule, dans cette ville complètement déserte. Aucune trace de son petit-frère, ni même d’un autre être vivant. L’hiver était déjà bien installé dans le ciel comme sur les rues parsemées de neige. Elle aurait pu considérer ce paysage comme magnifique s’il n’était pas gâché par les rôdeurs à chaque recoins, les cadavres d’humains éparpillés et cette atmosphère pesante de fin du monde. L’air frais de décembre lui irritait le système respiratoire, la jeune survivante avait besoin de nouveaux vêtements pour se réchauffer mais aussi de la nourriture. Parcourant discrètement les rues en guettant le moindre bruit, elle s’engouffrait à l’intérieur du
Redapple Market Place, un supermarché modeste mais qui contenait tout le nécessaire. L’air n’était guère plus chaud et l’odeur tout autant nauséabonde en vue de l’ensemble des produits "frais" désormais pourris en rayon. Son sac s’est rapidement réapprovisionné par des boites de conserves et quelques paquets de gâteaux. Une fois dans le rayon vêtements, elle jetait un coup d’œil derrière elle pour vérifier qu’elle était bien seule dans l’enseigne avant de retirer ses affaires pour enfiler un jean, t-shirt et pull-over propres. Refermant la fermeture éclair de son nouveau blouson, elle entendit alors quelque chose tomber dans le rayon précédent. Son sang ne fit qu’un tour. Elle empoignait le revolver dans son sac avant de le pointer dans cette direction, les mains tremblantes. Contournant lentement son allée, la jeune femme était apeurée d’y trouver un rôdeur, ayant jusque là évité tout contact avec eux. Mais c’est alors qu’une main la tira en arrière pour la faire chuter au sol. Un homme, d’environ la trentaine, au regard noir et malicieux rempli de vices et d’immondices. C’était ce genre de situation qui lui faisait encore plus peur que les rôdeurs : les humains eux-mêmes.
Coucou ma jolie ! Son voix lui donnait un frisson encore plus glacée que l’air au dehors. Elle s’est débattue, lâchant même un cri parmi ces allées. Dans sa chute, son revolver lui avait échappé des mains. Elle rampa jusqu'à lui mais au moment où ses doigts allaient effleurer l'arme, la brute la tira par les jambes pour la ramener jusqu'à lui. Les images dans sa tête défilaient, s’imaginant toutes les choses qu’il aurait pu lui faire subir quand il déboutonna son pantalon. Megan le suppliait mais elle était emprisonnée dans son emprise. Elle ne pleurait pourtant pas, elle ne pleurait plus depuis des mois maintenant. A ce moment-là, elle aurait juste préféré être morte dévoré par ces rôdeurs au début de l’apocalypse.
Mais contre toutes attentes, le gars fût projeté en arrière, libérant alors la jeune survivante. L'autre n'a pas bronché, il est juste parti. Son
sauveur s’est alors tourné vers elle et l’a observé de haut en bas pendant qu’elle se relevait promptement, prête à se défendre avec le revolver qu’elle venait de ramasser. Il eût un sourire au coin des lèvres, comme s’il se moquait de la situation. Et en l’espace de quelques secondes, il l’a désarmé sans le moindre souci, ce qui a eu le don de le faire rire.
« Tiens, qu'avons-nous là ? » s’exclamait alors un autre homme qui venait d’apparaître devant eux. Impressionnant, le charisme dont il faisait preuve informait sans nulle doute son identité : le leader. A son tour, il examinait Megan avec attention pour s’amuser de la peur qu’il lui insufflait à chaque minute. Arrachant son sac de son dos, il distribua ses rations à l’ensemble de son équipe. Elle a tenté de les en empêcher mais que pouvait faire une femme face à quatre hommes sauvages ?
« Tuez-là. » Ordonnait-il alors à ses gars avant de prendre le revolver du père de Megan. En un rien de temps, deux gars musclés étaient prêts à lui trancher la gorge. Mais le fameux blond se mit en travers de leur chemin.
« Ou on peut la garder avec nous. » Proposait-il, contre toutes attentes. Même Megan s'est vu écarquiller les yeux. Elle ne savait pas ce qui était le mieux : mourir maintenant ou être leur prisonnière. Cette surprenante proposition fit revenir le leader sur ses pas pour faire face à son protecteur.
« Une femme, c’est instable, Hunter. Elle ne ferait que nous ralentir. » Ajoutait-il d'un balayement de la main pour terminer cette conversation et faire exécuter la sentence. Les deux gars s’approchaient alors de Megan et instinctivement, cette dernière se réfugiait derrière ce Hunter qui semblait soucieux de son sort. En effet, il ne les laissa pas s’approcher davantage.
« J’en serai responsable. Je la formerai. » Insistait-il sans pour autant démontrer une once d'émotions. Les autres gars n'osaient pas l'affronter, comme s'ils en avaient eux-même peur. Le leader tournait légèrement la tête dans un soupire avant d'ajouter.
« Un seul faux pas et je la tue de mes mains. » Menaçait-il d'une voix tranchante. Megan déglutissait, elle était paniquée, peut être même faisait-elle à ce moment-là une crise d’angoisse. Elle sentait le sol bougé et les murs autour d’elle se rétrécir progressivement. Ce n’était absolument pas dans ses plans cette halte dans ce groupe de tarés psychopathes. Hunter se tournait alors vers son visage inquiet. Leurs yeux se rencontrèrent et elle ne savait pas si elle devait être rassurée ou effrayée. Attrapant son sac-à-dos, il le passa par-dessus son épaule, l’autre tenait déjà sa hache aiguisée. Sans vraiment avoir le choix, Megan les a suivi jusqu'à leur camp. Elle n'était pas la bienvenue parmi ce groupe d'hommes dont elle appréhendait les entrechoques de testostérones. Mais Hunter semblait différent. Il a prit le temps de lui apprendre à manier les armes à feu et blanches, tout comme le combat au corps à corps et les techniques de survie. Il n'y allait pas de mains mortes, l'envoyant se coucher avec des hématomes plein le corps chaque jour. Un mal nécessaire selon lui et inévitable pour elle. La jeune femme n'était pas assez forte, pas encore. Elle s'était rendue à l'évidence. Il lui fallait s'endurcir et devenir une tueuse. Et c'est ce qu'elle est devenue au fil des semaines. Semblable au syndrome de stockholm, Megan a finit par les considérer comme des alliés. La noirceur s'est emparée d'elle. Cette fille fragile, incapable de se défendre, était morte dans ce supermarché.
(iv) 26-27 janvier 2016. - kill or be killed. « Je le répète une dernière fois... Où sont tes amis ? » La questionnait-on encore. Voilà deux jours qu'elle s'était faite attrapée à la lisière de la forêt par un groupe de survivants, peut être aussi tarés que le sien. Deux jours qu'elle se faisait torturer pour livrer l'emplacement de son camp. Son dos ensanglanté était marqué par des coupures de lames. Il l'avait frappé encore et encore. Son arcade sourcilière abordait une plaie ouverte de même que sa lèvre inférieure. Affamée et déshydratée, ils l'ont attaché à une chaise durant vingt-quatre heures, n'étant plus capable de tenir debout. Son bourreau avait l'air de prendre un malin plaisir à lui infliger ces souffrances, à l'entendre crier de douleur et à la voir souffrir sous ses mains. Face à son silence qu'elle maintenait depuis sa capture, il commençait à perdre patience, exigeant des résultats. Il lui enfonçait alors en guise de punition un clou dans la cuisse, lui arrachant un énième hurlement. Megan était fatiguée. Un mince filet de lumière l'atteignait en plein visage, signe qu'il faisait jour. Son seul paysage était cette pièce lugubre et moisie. Malgré qu'elle soit devenue plus forte, elle se sentait tressaillir. Face à cette nouvelle douleur, elle ne tenait plus. Sa tête se faisait lourde, elle basculait. Ses yeux ont tournés. Elle s'est évanouie. Elle ne sait combien de temps elle est restée inconsciente mais c'est une voix familière et un tendre geste sur sa nuque qui la ramenèrent à l'instant présent.
« Megan... » Chuchotait cette voix. Il lui fallu quelques secondes pour reprendre connaissance et apercevoir clairement le visage de Hunter, qu'elle pensait ne plus jamais contempler.
Je suis là. Ces simples mots ont suffit à lui faire couler une larme de soulagement. Il ne l'avait pas abandonné et peut être même ne l'abandonnerait-il jamais. Ces deux jours, il les avait passé à chercher ses traces en forêt qui l'ont amené jusqu'à ce vieille entrepôt. Il n'avait jamais douté d'elle, elle ne se serait jamais enfuie. Se faufilant discrètement, Hunter était arrivée jusqu'à elle.
« J'ai mal, Hunter... » Articulait-elle difficilement, sa gorge serrée à la sensation de sa chair à vif de part et d’autre de son corps. Il lui implora de se taire même si l'image de cette femme lui arrachait le coeur, celui-ci qu'il pensait pourtant insensible. Après avoir retiré les cordes de ses membres, il s'intéressait au clou qui était encore planté dans son muscle. Par chance, l'artère fémorale n'était pas touchée. Face à cette constatation, Hunter détachait la ceinture autour de la taille de la jeune femme pour lui mettre entre les lèvres. Megan mordit de toute ses forces dans le cuir pour s'empêcher de hurler quand il lui enleva l'objet d'un coup sec. Rapidement, la ceinture a servi de garrot pour stopper le saignement. Mais à ce moment-là, son bourreau est rentré dans la pièce et les voyant ensemble, il était prêt à donner l'alerte. Se jetant sur lui, Hunter n'eût aucune difficulté pour le maîtriser et l’assommer d'un puissant poing au visage. Allongé au sol, il en avait au moins pour une bonne heure ainsi. Mais même si la discrétion jouait en leur faveur, le temps pressait. Revenant auprès de Megan, il passait l'un de ses bras autour de son cou pour l'aider à avancer. Ensemble, ils se dirigèrent jusqu'à la sortie de la pièce. Mais la jeune femme ne pouvait détacher son regard de son agresseur. Celui qui lui avait fait endurer toutes les souffrances ces deux derniers jours. Elle ressentait du dégoût mais surtout une colère ardente au fond d'elle même. Quelque chose qu'elle n'avait jamais ressenti avant et qui la consumait d'ores et déjà. Sa mâchoire crispée, elle n'a pas vraiment réfléchi à cet acte qui allait suivre. Habile, sa main s'est glissé sous le t-shirt de son sauveur pour en récupérer le pistolet qu'il cachait. En l'espace de deux secondes, Megan avait actionné la glissière et, visant parfaitement, avait appuyé sur la détente. Le son du coup retentit comme un écho dans tout l'entrepôt, alertant le reste du groupe adverse.
Qu'ais-je fait ? La jeune femme tremblait. Elle venait de tuer un homme, de sang froid, par colère. Mais ils n'avaient plus assez de temps pour rester dubitatifs devant ce cadavre. Hunter l'attrapait comme il pouvait et ils tentèrent de s'échapper du bâtiment en vie. Des survivants les ont attaqués et alors que Hunter utilisait sa hache, Megan gardait son arme automatique. Tout comme les rôdeurs, elle visait à la perfection. Il eut un autre humain qui est tombé sous la balle de son arme, puis un autre avant qu'ils ne soient tous les deux en sécurité. Hunter l'a entraîné de nouveau vers la forêt. Ils ont traversé une petite rivière avant de finir par les semer. Une fois hors de portée et en sécurité, ils se sont posés quelques instants entre les arbres, à l'ombre. Megan n'avait toujours pas réussi à sortir un mot. Les yeux dans le vide, elle avait encore l'image de son assaillant qu'elle n'avait eu aucun scrupule à abattre. Ses lèvres entrouvertes, son souffle était court et son rythme cardiaque élevé.
« Parle moi. » Murmurait Hunter qui s'était agenouillé après d'elle. Sa main sur la joue de la brune, il la caressait d'une infinie tendresse qui était inhabituelle venant de lui. Elle ne voulait pas parler, pas de ce meurtre. Elle ne se reconnaissait plus. Elle s'était perdue et avait atteint le point de non-retour.
« Tu m'as retrouvé. » A-t-elle enfin lâché en tournant son regard dans ses yeux clairs. Il était venu. Il l'avait sauvé. Elle a répété cette phrase encore en glissant les mains dans les cheveux de cet homme. C'est la première fois qu'elle risquait un tel geste, lui qui lui disait de s'endurcir. Déposant son front contre le sien, elle a fermé les yeux et il l'a simplement entouré de ses bras. Peau contre peau, ils se découvraient une intimité.
« Je te retrouverai toujours. » Lui a-t-il murmuré, telle une promesse. Elle s'est mise à pleurer, de nerfs, de soulagement. Megan n'avait plus rien à craindre dans ses bras. Il la protégerait. C'est quand on frôle la mort qu'on se sent pleinement vie, comme si on était ramené brusquement de l'au-delà. Dans ces moments là, on est capable de saisir la moindre opportunité. Alors ils l'ont saisi. Là, ce moment. Deux souffles qui s'entremêlent. Un baiser. Un unique, un seul. Celui qui leur explose le coeur. Celui qui les relève toujours plus haut. Celui qui les rend vivants.
(v) 24 juin 2016. - Astoria.C’était son tour de garde. Elle devait passer la nuit à surveiller ces deux individus que les gars avaient trouvé au bord de la route. Megan était restée au chalet de Government Camp quand l’embuscade s’est produite. Elle a simplement vu revenir les gars avec ces gens, mains liées, comme un trophée de guerre. Attachés à une chaise comme elle l’avait été quelques mois plus tôt, elle regardait par la fenêtre les étoiles dominées le ciel. Portant à sa ceinture le revolver de son père qu’on lui avait rendu pour la loyauté dont elle avait fait preuve à l’entrepôt et la lame noire en acier que Hunter lui avait offert.
« Pourquoi faîtes-vous ça ? On est là pour aider. » Expliquait la jeune prisonnière. Megan restait silencieuse. Après tout, elle ne parlait plus vraiment ces derniers temps, accablée par la violence dont elle faisait preuve chaque jour avec son groupe. Elle se reposait la question dans sa tête. Pourquoi faisait-elle ça ? Un peu plus de six mois déjà qu’elle avait intégré le groupe de Hunter, payant alors le prix fort. Son humanité. Elle voulait devenir plus forte pour son frère mais elle n’avait pas réussi à le retrouver. L’espoir s’était éteint dans son cœur. Elle s’était résignée depuis peu à ne jamais le retrouver. De sa poche, elle ressortit la photo qui ne l’avait jamais quitté depuis le début de l’invasion. Cette photo de son petit-frère qu’elle n’oubliera jamais.
« Vous avez perdu quelqu’un, n’est-ce pas ? » Continuait alors la jeune fille, essayant de rentrer dans tout un baratin psychologique pour la distraire ou alors éveiller en elle une empathie éteinte. Les doigts de Megan effleurèrent la photo. Etait-ce là leur dernier souvenir heureux ? Devant l'insistance de l'autre, Megan échappait un profond soupire avant de se résigner à répondre, juste pour qu'elle se taise.
« Mon petit-frère, Tobias. » Confiait-elle alors. Elle eût une sensation bizarre. Le fait de ne pas mentionner son prénom depuis tout ce temps eût l’effet d’une piqure droit au cœur. Un pincement.
« Tobias Sparks ? » Demandait-elle alors, un once de surprise dans sa voix. Megan se retournait immédiatement vers les prisonniers, vers la jeune femme en particulier, confuse qu'elle connaisse son nom de famille.
« Tobias est vivant, il est à Astoria. C'est là d'où nous venons ! » S'exclamait-elle, sans trop de dynamisme au risque de réveiller le chalet tout entier. Megan était comme figée, elle restait stupéfaite. Mais surtout, elle n'avait aucune confiance en ces deux individus. Mais comment pouvaient-ils mentir ? Ils n'auraient jamais pu connaître son nom par un pur hasard. L'espoir était de nouveau reparti dans le coeur de Megan. C'était une vague de chaleur qui l'envahissait.
« Si tu nous libères, nous te conduirons jusqu'à lui. » Proposait-elle. Le gars avec elle n'était absolument pas d'accord pour un tel arrangement, prétextant le fait que Megan était instable. Le pari était risqué. Ils pouvaient très bien mentir et la duper quelques kilomètres après leur départ. Mais s'ils disaient la vérité ? Si Tobias était réellement à Astoria, s'il était encore en vie. Elle devait en avoir le coeur net. Sortant sa lame de son étui, elle vient couper leurs liens.
« Emmenez-moi à mon frère. » Ensemble, ils ont pris la route pendant trois jours. Megan avait laissé dernière elle son groupe, surtout Hunter. Elle les avait trahi et il valait mieux pour tout le monde qu'ils ne recroisent jamais leur chemin.