reckless behavior (james)

J'étais couchée sur ce muret comme je le faisais à tous les dimanches depuis mon arrivée à Astoria. Je regardais les gens passés ou je levais les yeux vers le ciel, cherchant à trouver des noms amusants  à la  forme des nuages. Il s'agissait là d'une des seuls moments où je pouvais vraiment être tranquille. Je ne pensais plus aux rôdeurs, je ne pensais plus à l'apocalypse. J'étais calme. Cela faisait toujours bizarre parce que je faisais ça pré-chaos.  Dans mon ancien chez-moi, il y avait également un muret comme ça. La situation me rendait à chaque fois nostalgique. Je me redressais et je soupirais. Ce fut à ce moment-là que je la vis. Une jeune femme d'à peu près mon âge à la chevelure brune. « James? C'est ça? » lui demandais-je.  On connaissait de nom et de visage les gens qui se trouvaient en quarantaine. La jeune femme en était sorti il y avait à peine une semaine. Je me fichais pas mal des autres, mais on m'avait glissé qu'elle me ressemblait un tant soit peu, alors j'étais curieuse. « C'est quoi comme nom pour une fille, ça? » ajoutais-je en haussant les épaules sur un ton de défi. Bah quoi? C'était un nom de mec, ça. Trop bizarre qu'on l'ait donné à une fille tout ce qu'il y a de plus féminine qui plus est.  Ses parents en avaient fumé une bonne, c'était certain.

Une grande inspiration. Oui, elle se portait mieux, bien mieux même. Elle avait de ces jours, ou le seul moyen d’aller mieux c’était de prendre une grande inspiration et continuer. Aujourd’hui c’était de ces journées. De ces journées où on avait besoin qu’un petit coup de pied dans le derrière pour pouvoir continuer à avancer. Et James, elle en avait besoin d’un. Et pas qu’un petit. Déterminée pourtant à ne pas se laisser abattre, James continua son chemin sans un mot. Elle n’en avait pas besoin. Elle avait seulement besoin du silence. Un silence complet. Avec le temps, elle s’y était habituée, à ce silence pesant. Elle s’y était accommodée, avait trouvé un certain réconfort même. Pourtant, à Astoria, le silence n’existait pas. Sauf la nuit, lorsqu’elle tâchait d’oublier les horreurs extérieures pour se concentrer sur le présent. Mais quel présent ? N’a-t-il aucun sens quand on sait qu’il n’y a aucun avenir possible ? Certain reste optimiste, mais pas James. Non. Elle sait pertinemment que le monde est parti en couille et elle ne peut rien pour y remédier. Elle ne se plains pas pour autant, non. Elle est en vie, c’est déjà un miracle. Car malgré le peu d’espoir qu’il lui reste, il n’en reste pas moins qu’elle s’accroche à la vie coûte que coûte la rouquine. Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas remarqué qu’elle n’était plus seule. En effet, une jeune femme qui devait avoir plus ou moins son âge attira son attention. Étrangement, celle-ci connaissait déjà son prénom, alors que James n’avait aucune idée du sien. Enfin, elle se rappelait vaguement de ce visage, mais sans plus. « Euh, oui c’est bien moi. » Une pause, perplexe. « Et tu es ? Elle soupire se rappelant cette remarque qui aurait pu être blessante. Pourtant, James n’avait pas l’intention de se fâcher. Non pas aujourd’hui. « Bah écoute, mon père m’a donné ce nom avant de me confier à mon grand-père. Du coup, je lui ai jamais demandé. J’imagine qu’il voulait avoir un garçon. » Elle soupire avant d’ajouter : « Enfin, il voulait pas m’avoir tout court, je devrais dire. » Elle rit James. Mais elle rit jaune.