My silence is not weakness but the beginning of my revenge || Cain

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« Papa... Papa réveille-toi... »

J'ouvre les yeux aussitôt, alerte, le fusil en main. Je dormais oui, mais finalement je dors toujours d'un seul œil. Nous sommes en sécurité à l'étage, en théorie, et j'ai placé de quoi empêcher des rôdeurs ou des humains de monter mais oui, je dors bien d'un seul œil. Toujours. Je tourne mon visage vers mon fils qui semble apeuré.

« Quoi, qu'est-ce qui se passe ? Tu as entendu quelqu'un ? »

Et pas moi ? Comment j'ai pu ne pas entendre ? J'enrage. Il secoue la tête de droite à gauche. Bon, non, visiblement je n'ai rien manqué.

« C'est Jenny, elle est malade. »

J'observe mon garçon, je fronce les sourcils, ses mots me laissent un goût terriblement amer dans la bouche : « Elle est malade. ». Je me redresse et fonce jusqu'à la chambre où les enfants sont censés dormir, Billy sur mes talons. Lorsque j'ouvre la porte, je comprends, je réalise, je sais. Je sais que ce que j'ai ressenti quand Billy a prononcé ces mots, j'ai eu raison de le ressentir. Je sais que Jenny n'est pas simplement malade : Jenny est infectée. Jenny est déjà morte en fait. Oh elle respire encore mais...

« Billy, attend dans le couloir.
- Pourquoi ?
- Dans le couloir. »

Le ton est sec, vif, intransigeant. Il obéit. Je referme la porte et m'approche du lit. Je m'y assois auprès de Jenny qui ouvre les yeux. Je pose ma main sur son front brûlant, sur sa peau moite. Je vois sa poitrine se soulever au rythme de sa respiration anarchique.

« Papa...
- Tu as été mordue. »

Je la coupe en la regardant droit dans les yeux. Des yeux qui se remplissent de larmes.

« J'suis désolée papa...
- Où ça ? »

Ses mains tremblantes ne tardent pas à soulever la manche de son t-shirt et quand je vois son avant-bras... En même temps, à quoi je m'attendais ? Je le savais, non ? Oui, je le savais. Je relève mon regard pour le replonger dans celui de ma fille. Nous nous regardons en silence un moment. Elle sait. Elle est parfaitement consciente de la situation. Je lui ai assez répété, à elle, à Billy.

« Je t'aime papa... » qu'elle me dit dans un souffle.

Je crispe la mâchoire puis me penche vers elle pour déposer un baiser sur son front.

« Moi aussi je t'aime. » je lui réponds tout bas.

Encore un regard échangé en silence puis elle ferme les yeux. Elle me rend les choses plus faciles. Plus faciles... Putain, comme si ça pouvait être le cas... Peu importe qu'elle ferme les yeux, peu importe qu'elle accepte son sort... C'est monstrueux. Comme les pourritures qui traînent au dehors. Je me penche pour récupérer l'oreiller à côté de Jenny. Je regarde le visage de ma fille. Longuement. Très longuement. Puis, je dépose l'oreiller sur son visage. Je la cache. Il faut que je la cache sinon je ne pourrai pas. Puis, je plaque le canon de mon fusil sur l'oreiller. Elle doit sentir le canon à travers l'oreiller. Elle doit le sentir forcément... Alors je n'attends pas. Je tire. Et je ne bouge plus. Je suis conscient que le bruit risque d'attirer des rôdeurs et qu'on va devoir partir, qu'il va falloir que Billy et moi reprenions la route, mais je ne bouge pas. Je suis figé. Figé dans l'horreur. Figé dans la douleur. Ce n'est que quand Billy pose sa main sur mon bras que je réalise qu'il est entré dans la chambre.

« Papa... »

Je cligne des yeux, le corps de ma fille m'apparaît flou et je comprends rapidement que ce sont mes propres larmes qui me voilent la vue.

« Papa... » Billy répète.

Je dois être fort. Je dois... Mais quand je tourne mon visage vers mon fils et que je le vois aussi en larmes, quand se main presse mon bras et qu'il vient m'enlacer comme s'il cherchait à me consoler malgré sa propre douleur, je craque. Je lâche mon fusil et je sers mon fils dans mes bras.

Je n'ai plus que lui.
Rien que lui.


« Tiens mais regardez ce qu'on a là ! »

Un des types vient de trouver Billy qui était pourtant bien caché. Il le tire par les cheveux. Mon fils pleure. Je garde mon fusil levé, le type qui me fait face garde le sien levé. Celui qui tient mon fils glisse un couteau sous sa gorge et les trois autres resserrent leur poigne autour de leurs pieds de biche.

« Je croyais que tu voyageais seul ? C'est pas beau de mentir mec.
- Il n'y a que nous et on n'a rien pour vous.
- Ah si, vous avez de la bouffe et ce joli fusil là. C'est tout ce dont on a besoin. »

Je secoue la tête.

« Si je vous donne tout, je signe notre arrêt de mort.
- Si tu nous donnes rien, vous êtes mort. »

Sauf que je sais, au fond de moi, qu'ils vont vouloir nous tuer quand même après. Ces mecs sont des enflures.

« Papa...
- Tout va bien Billy, tout va bien. »

Un coup d'oeil en biais à mon fils qui ne bouge pas et me fixe, en larmes. Je vois soudain son regard dévier de moi. Je vois sa peur et je comprends. Les râles, je les entends mais je ne me retourne pas : je tire. Une fois sur le type en face de moi. Une seconde fois sur le type qui tient mon fils qui heureusement échappe à la lame. Puis ça devient le chaos. Un chaos qui, quelques minutes plus tard, me forcera à me pencher sur le corps sans vie de mon fils.

Un chaos qui se faufilera jusqu'au plus profond de mes entrailles.
Un chaos qui deviendra mon chaos.

Mon chaos.