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Si elle avait été surprise en retrouvant Noah ? Ça oui, alors. Ce n’était pas qu’un ami comme on pourrait qualifier une simple connaissance, c’était carrément son meilleur ami ; un gars qu’elle connaissait depuis seize ans, rien que ça. Et dans le fond, il avait toujours habité dans ce coin, donc ça n’aurait pas dû la surprendre plus que ça mais en fait si. Et ça tenait probablement du fait qu’elle ait vu tout le monde s’éteindre autour d’elle sur son île, dont elle était la seule rescapée, alors elle avait tendance à croire que tout le monde était mort. Et par tout le monde, on parlait surtout des gens qu’elle connaissait autrefois, s’entend. Soit, oui on pouvait dire que ça avait été une surprise. Quoi qu’il en soit, le visage de Vesper s’illumina à la simple pensée de Noah et comme elle trouvait ça un peu pathétique, elle effaça bien vite ce sourire niais fleurissant sur ses lèvres.

« Oui, pourtant il était déjà du coin à la base. Enfin bref, c’est chouette d’avoir quelqu’un qu’on connait sur qui se reposer. »

Pas qu’elle soit du genre à ne pas savoir s’intégrer, en fait, c’était tout l’inverse ; la blondinette avait un caractère accommodant qui lui permettait de se faire facilement de nouveaux amis mais voilà. Et puis ça faisait toujours plaisir d’apprendre que des gens que vous connaissiez avant avaient survécu.
D’ailleurs, elle n’était pas la seule à avoir retrouvé des gens, Lana avait retrouvé sa nièce, elle. Ah c’est sûr que c’était carrément un autre level et Vesper se surprit à être contente pour l’autre jolie blonde et c’est tout naturellement qu’elle lui rendit son sourire.

En revanche, elle ne put dissimuler une légère grimace en l’entendant parler de son ex. Oh qu’elle se rassure, elle ne le connaissait pas. Enfin, sans doute pas, mais elle compatissait parce qu’en se mettant deux secondes à sa place, elle se disait que ça ne lui plairait pas des masses.

« Et ça donne pas lieu à des situations trop bizarres, ça va ? »

C’est-à-dire que les ex de Vesper étaient tous passés par la case « fiancé » ou presque, donc ça serait encore pire dans son cas, sans doute, Dieu – enfin, façon de parler, hein - la préserve donc de les voir un jour franchir l’entrée d’Astoria.
Quoi qu’il en soit, la jeune femme s’apprêtait enfin à jouer quand la canne de Lana se mit à s’agiter faiblement. Faiblement okay, mais elle s’agitait tout de même ! La blondinette lui tapota donc l’épaule et désigna la canne de l’index.

« Regarde, regarde ! Il faut que tu remontes la ligne avec le moulinet ! »

Une chance pour elle que la prise n’avait pas l’air de peser une tonne, surtout elles auraient dû s’y mettre à deux, et encore, ce n’était pas deux poids plumes comme Lana et elle qui y serait parvenues… tout ça pour dire que les poissons de ce lac devaient être de petits poissons bien sympas et que c’était pratique, en fait.

Vingt ans, wow, Vesper n’osait imaginer à quel point la situation avait dû être bizarre, oui. La jeune femme avait beau savoir qu’elle allait fêter son trente-cinquième anniversaire dans peu de temps et que Lana ne devait pas être beaucoup plus âgée qu’elle, si elle l’était, elle avait toujours l’impression d’être plus jeune que ça. Mais il est vrai qu’il y a vingt ans, elle était déjà adolescente et s’amusait à faire tourner ses parents en bourrique pour sortir sur le continent le week-end, comme ses autres camarades de l’école. Bref, ça remontait à trop loin, ça ramenait bien trop de bons souvenirs qui lui rappelaient néanmoins à quel point la situation avait pu changer depuis.

Quoi qu’il en soit, le poisson qui mordit à l’hameçon eut le don de la sortir de sa nostalgie et elle regarda Lana remonter maladroitement la ligne. Ah oui, c’était un coup de main à prendre mais ça viendrait avec le temps, enfin, si tant est qu’elle continue de s’exercer. Cela était dit, pour une première fois, elle ne s’en sortait pas si mal que ça, alors Vesper lui sourit, une sourire qui se voulait des plus encourageants et acquiesça d’un mouvement de tête.

« Oui, remonte-la jusqu’au bout, j’vais attraper le poisson. »

C’était le genre de trucs qu’il fallait faire à la main parce qu’elle n’avait pris la peine de ramener l’épuisette et tout le bordel, pas pour aller pêcher sur le lac, ça ne servait à rien. La blondinette se pencha donc par-dessus la barque – ce qui la fit tanguer un peu – et attendit sagement que Lana ait fini de remonter la ligne. C’est qu’il fallait avoir de bons biceps, mine de rien. Mais elle y parvint et sa prise eut beau se débattre avec l’espoir de retourner à l’eau, ce ne fut pas le cas. Vesper tendit alors les bras, se moquant bien de tomber à la renverse dans l’eau, c’était les risques du métier, après tout. Puis elle attrapa le poisson et le décrocha de l’hameçon. La prise frétilla entre ses mains et faillit bien lui échapper mais elle le jeta au fond du panier avant que ça n’arrive. Il n’était pas né le poisson qui lui filerait entre les doigts.

Tout sourire, la jeune femme attrapa le panier et montra sa prise à Lana. Il n’aurait tenu qu’à elle, elle l’aurait relâché puisqu’elle n’en mangeait pas, de toute façon, mais Lana ne devait pas être du même avis, donc elle n’en fit rien.

« T’as vu, il est pas bien gros mais tu pourras dire à tout le monde que c’est toi qui l’as pêché ! Après on recommence et plus tu attends, plus tu en attrapes. »

Enfin en théorie, en tout cas. Des fois, on avait beau attendre, on ne ramenait rien. Là, elles avaient eu un peu de chance.

Bizarrement, parce que le contexte n’était pas du tout le même en ce temps-là, ça rappelait à Vesper la première fois où elle-même avait appris à pêcher. Il faisait beau, ce jour-là – ce qui est assez rare sur la côte est pour être souligné -, ça devait être en septembre parce que quelques jours plus tard, elle reprenait les cours. La blondinette n’avait déjà plus besoin que son père l’emmène de force sur son bateau, elle y grimpait très bien toute seule pour se faire bronzer. En revanche, il avait insisté pour qu’elle prenne l’une de ses cannes en main. Ce qu’elle avait fait, ne serait-ce que pour lui faire plaisir. Ce qui était sûr, c’est que ça avait pris bien moins de temps que cette fois-ci et que la jeune fille en avait eu le cœur serré de voir un pauvre petit poisson gigoter ainsi au bout de sa ligne. Tant et si bien qu’elle insista pour qu’on le relâche aussitôt. Son père, dont c’était le métier, n’avait pas s’empêcher de crier au gâchis mais lorsqu’elle lui faisait les yeux doux, il ne pouvait jamais résister bien longtemps – un truc qu’elle avait appris surtout durant les périodes de fête – alors ils l’avaient relâché.

Cela dit, à l’époque ils pouvaient encore se le permettre, tandis que maintenant… Tout ça pour dire que oui, pour une première fois, ce n’était pas si mal. Surtout pour une citadine. Alors comme elle venait de le dire, il n’y avait plus qu’à recommencer. Hé oui, c’était répétitif comme travail, ça, on ne pouvait pas le nier. Et Vesper ne pouvait même pas garantir qu’elles attraperaient d’autres poissons ce jour-là – même que c’était pour cette raison que les parties de pêches de vrais amateurs duraient en général plus d’une journée – mais bon, il n’était pas prévu qu’elles rentrent tout de suite – et dire qu’elle n’était même pas payée à l’heure, qu’elle n’était même pas payée du tout pour ce genre de leçon… -, donc elles continueraient et s’occuperaient en jouant au poker en attendant, jusqu’à ce qu’il soit l’heure de rentrer. Elles n’avaient que ça à faire, de toute manière. Puis c’était déjà une victoire en soi pour Vesper qui ne s’attendait de toute façon pas à nourrir tout Astoria avec cette prise. Non, pour ce faire, il faudrait qu’elle parte en mer avec son collègue, bien évidemment. Alors non, elle n’était déjà pas mécontente de cette journée.

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